Louis XIV à Versailles
Les premiers séjours du roi à Versailles ont lieu à la même époque. Le château n’est encore que le modeste pavillon de chasse voulu par Louis XIII, et son fils n’y vient que pour son agrément. C’est ainsi que la fameuse fête des Plaisirs de l’île enchantée, officieusement dédiée à la maîtresse du roi, Louise de La Vallière, se déroule dans les jardins du modeste château au printemps 1664. La décision de s’installer de façon permanente à Versailles ne viendra qu’avec la consolidation du pouvoir occasionnée par les succès militaires et diplomatiques : la paix de Nimègue, signée en 1678, inaugure la décennie la plus brillante du règne, et Versailles est aménagé pour être en mesure de recevoir la cour. Le roi s’y installe le 6 mai 1682, mettant en place un système de gouvernement dont le palais agrandi devient le théâtre privilégié.
Toujours préoccupé de neutraliser les ambitions de la haute noblesse, Louis XIV s’impose en effet un mode de vie extrêmement contraignant : levers publics, repas publics (Petit et Grand Couvert), couchers publics, et autres cérémonies réservées à une noblesse triée et hiérarchisée de mille manières (petites et grandes entrées, privilège du tabouret…). Consciente que son propre pouvoir ne lui vient que de la manifestation de sa proximité avec le roi, la noblesse de cour adhère à ce système, et, trop occupée de ses rivalités internes, laisse désormais les mains libres à Louis XIV, qui entreprend simultanément d’élever la bourgeoisie…
A l’extérieur, le roi-soleil n’est pas moins jaloux de manifester sa puissance : quelques années après son mariage (1660), sous prétexte de s’octroyer la dot que l’Espagne a omis de verser à son épouse, Marie-Thérèse d’Autriche, Louis XIV entreprend la guerre de Dévolution (1667-68), dirigée vers les Pays-Bas espagnols où il pense se servir en territoires. Peu après, la guerre de Hollande, qui le met aux prises avec presque toute l’Europe, se finit à l’avantage de la France en 1678. C’est alors que, sûr de lui, Louis XIV entreprend la « politique des réunions », sans rencontrer d’obstacles : Montbéliard, Strasbourg, Metz, Toul et Verdun deviennent français. Dans le même temps, le roi bombarde Alger et Gênes, s’oppose au pape et soutient l’Empire ottoman contre l’Autriche… Cette assurance finit par susciter une réaction des puissances européennes : de 1689 à la fin du règne, le royaume doit affronter la Guerre de la Ligue d’Augsbourg et la guerre de Succession d’Autriche.
Mais l’hégémonie de la France passe aussi par la politique économique, brillant aspect du règne, largement redevable à la personnalité de Colbert. Soucieux de faire échapper la France à la mainmise de l’Angleterre et des Pays-Bas sur le commerce maritime, le ministre refonde la marine royale, bien délaissée par Mazarin. C’est à cette époque que sont créés les arsenaux de Toulon, Brest et Rochefort, où s’organise la construction navale. Mais dans le même temps, les tentatives de création de Compagnies des Indes n’eurent guère de succès.
Pour limiter les importations et éviter les fuites de capitaux, Colbert coordonne la production de luxe en créant des manufactures royales, dont les œuvres seront imitées dans toute l’Europe. La plus célèbre est celle des Gobelins, qui, à partir de 1663 et sous la direction de Charles Le Brun, héberge peintres, tapissiers, orfèvres, ébénistes, bronziers, doreurs… dont le travail échappe ainsi aux règles contraignantes des corporations parisiennes.
C’est également l’action conjuguée du roi et de Colbert qui inaugure la suprématie culturelle de la France : en créant les Académies royales de danse, de peinture et de sculpture, de musique ou d’architecture, et en pensionnant des artistes, le Roi-Soleil et son ministre favorisent l’élaboration d’une doctrine et de modèles esthétiques qui deviennent la règle à l’Europe entière, évinçant le prestigieux modèle italien qui s’imposait depuis la Renaissance.